FAUT-IL EN FINIR AVEC L’OCTROI DE MER ?

Publié le 18/05/2020

Cette taxe spécifique aux DROM vise à protéger la production locale tout en assurant des recettes aux collectivités. Elle présente pour autant des fragilités qui alimentent ses opposants. Décryptage d’une taxe dont la validité arrive à échéance.

 

 

PROTÉGER LA PRODUCTION LOCALE

C’est un impôt aux origines séculaires. Dénommé « droits de poids » dans la colonie de Martinique en 1670, il adoptera son nom actuel en 1866, et s’imposera à tous les produits arrivant par la mer. L’actuel octroi de mer est une taxe appliquée à certains produits importés et produits dans les DROM, reversée aux collectivités territoriales.

Elle vise principalement à protéger la production locale qui souffre de nombreux handicaps, au titre desquels un approvisionnement coûteux ou encore un marché plus petit occasionnant des coûts de production et de stockage plus élevés. Produire localement coûtant plus cher qu’importer, la mesure vise à taxer les importations, d’autant plus si leur équivalent est localement produit. Favoriser la production locale revient à favoriser l’emploi et l’autonomie des DROM. 

Certains produits sont davantage taxés, comme les véhicules à grosse cylindrée ou les alcools forts et le tabac. Les dérogations existent et concernent par exemple les produits de première nécessité, les matières premières ou les équipements sanitaires. En avril 2020, la Collectivité Territoriale de Guyane a ainsi décidé d’exonérer de cette taxe les imprimantes laser permettant la réalisation de visières pour lutter contre le Covid-19.

 

GARANTIR LES RECETTES DES COLLECTIVITÉS

C’est en effet le Conseil régional qui fixe les taux de l’octroi de mer qui se décompose en deux taxes différentes. L’octroi de mer permet de financer les communes et les départements tandis que l’octroi de mer régional finance les régions. Perçue par l’administration des douanes, cette taxe qui s’élève à près de 1,5 milliard d’euros est vitale pour les collectivités ultramarines.

Le Conseil régional fixe non seulement les différents taux mais peut aussi décider des produits qui seront concernés. La Réunion, à la différence des Antilles, a par exemple fait le choix de faiblement taxer la production locale soumise à l’octroi de mer. La Région est également partiellement responsable des exonérations demandées par les entreprises et filières concernées. Si elle est chargée de les étudier, elle demande généralement l’aval du gouvernement qui vérifiera leur validité auprès de l’Union européenne.

Ses paramètres sont d’autant plus importants que l’octroi de mer permet le financement des investissements et le développement économique et social des DROM. La dynamique est désormais à l’avantage des communes qui en bénéficient largement. En Guyane, 45 % à 60 % des recettes communales en sont issues. Sa suppression pourrait occasionner une hausse des impôts locaux.

 

UNE RÉGULIÈRE REMISE EN CAUSE

Malgré ce risque, l’octroi de mer est souvent contesté. L’abandon de cette taxe était l’une des revendications des Gilets Jaunes ultramarins l’an dernier. Il lui est reproché de contribuer significativement à la cherté de la vie en outre-mer. Certains appelaient à la création d’une TVA spéciale, alors même que cette dernière est destinée aux caisses de l’État et non aux collectivités, et que les DROM bénéficient d’une TVA inférieure dont l’objectif est que son addition avec l’octroi de mer reste inférieure à la TVA métropolitaine.

L’Autorité de la concurrence relevait pour sa part en 2019 le rôle de cette taxe dans le prix de nombreux produits en appelant à une simplification des grilles d’octroi de mer. Le Président de la République s’était d’ailleurs engagé à une modernisation de son mécanisme, alors qu’il doit être renouvelé avant la fin de l’année à l’échelon européen.

Le dispositif se heurte en effet au principe européen selon lequel une fiscalité différente ne peut pas être appliquée entre produits locaux et produits importés de France métropolitaine ou d’un autre État membre de l’Union. Cependant, en vertu de l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, l’octroi de mer bénéficie d’un accord dérogatoire de la Commission jusqu’au 31 décembre 2020. Le gouvernement français affirme avoir entamé un dialogue avec Bruxelles afin de prolonger la dérogation, alors qu’un rapport commandé par Bercy au printemps à un think-tank indépendant remet largement en cause le fonctionnement de l’octroi de mer. Une échéance qui se rapproche et qui invite les acteurs locaux à faire valoir leur position sur une possible refonte à venir de ce dispositif vital.

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