DÉCRYPTAGE : LE RÉFÉRENDUM SUR L’INDÉPENDANCE DE LA NOUVELLE CALÉDONIE

Publié le 22/05/2018

Il était plus d'une heure du matin à Paris, mais l'issue des débats a été positive. Le 27 mars dernier, le comité des signataires de l'accord de Nouméa était réuni à Matignon, pour trouver l'intitulé exact de la question qui sera posée aux votants.  Le référendum en Nouvelle-Calédonie aura lieu le 4 novembre prochain. Dans quel climat va-t-il se dérouler, quelles sont les prévisions et quelles conclusions tirer ?

L’ORIGINE

L'Accord de Nouméa, signé en 1998, prévoit l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie au plus tard en novembre 2018. Cela fait 40 ans qu'un « bout » de France n'est pas devenu indépendant. La dernière fois, c'était Djibouti. En 1977, à l'issue d'un référendum, le pays était devenu une République ; trois ans plus tard, c'est le territoire franco-britannique du Vanuatu qui devenait aussi une République. En novembre prochain, la population de Nouvelle-Calédonie sera consultée pour savoir si elle souhaite devenir indépendante.

Le processus, entamé il y a une trentaine d'années, entre dans sa phase décisive. C'est Édouard Philippe qui est chargé de conduire les travaux. Le Premier ministre avait reçu le 2 novembre 2017 à Matignon le comité des signataires de l'accord de Nouméa, du nom de ce qui fut signé sur place en 1998. Une journée qui a abouti à un "accord politique". Dans le contexte catalan où les aspirations à l'indépendance provoquent une crise majeure, la France a sous les yeux un exemple parfait de ce qu'il ne faut pas faire. À chacune de ses prises de parole, le chef du gouvernement rappelle par exemple que toute l'organisation doit se faire de manière concertée. Là où le Président de la Catalogne, Carles Puigdemont, a bouclé son référendum de manière unilatérale en quelques semaines, la consultation calédonienne est en discussion depuis plusieurs années et toutes les parties se rencontrent régulièrement pour aborder les points cruciaux.

Pour comprendre ce référendum, il faut revenir trente ans en arrière. Dans les années 1980, des tensions éclatent entre les communautés Kanak et les communautés d’origine européenne. Ces dernières culminent le 5 mai 1988 avec l’assaut de la grotte d’Ouvéa : 19 indépendantistes et deux militaires étaient tués. Par soucis d’apaisement, des négociations entre les deux camps et leurs dirigeants ont lieu. Elles débouchent sur les Accords de Matignon-Oudinot. Signés le 26 juin 1988, ils prévoient une période de développement de dix ans et instaurent des garanties économiques et institutionnelles pour les Kanaks, avant que les Calédoniens ne se prononcent sur leur indépendance.

Un nouvel accord est alors signé à Nouméa, le 5 mai 1998, qui instaure une décolonisation progressive. Il prévoit le transfert de certaines compétences de la France vers la Nouvelle-Calédonie dans de nombreux domaines à l’exception de ceux de la défense, de la sécurité, de la justice qui rester entièrement métropolitaine, de la monnaie et de la diplomatie.

Ce fameux accord de Nouméa prévoit également l’organisation avant novembre 2018, d’un référendum sur l’accession de Nouvelle-Calédonie à sa pleine souveraineté. En cas de vote négatif, une seconde, puis éventuellement une troisième consultation pourraient être organisées. À l’issue de deux votes négatifs, un nouvel accord sera cependant négocié.

QUE DISENT LES SONDAGES ?

Les opposants à l'indépendance devraient largement l'emporter lors du référendum du 4 novembre prochain. La question posée est celle qui a été arrêtée par les autorités pour le référendum du 4 novembre prochain : "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?". 59,7% des personnes interrogées ont répondu "non" à cette question, 22,5% ont dit "oui" à l'indépendance et 17,8% ne savent pas ce qu'ils voteront. Une victoire écrasante du oui selon les sondages.

Directeur d'antenne de Caledonia, Jérémie Gandin, a toutefois souligné qu'il fallait prendre ces chiffres "avec des pincettes", la progression du "non" à l'indépendance de 5.5% "se situant dans la marge d'erreur des 5%".  Président du groupe UC-FLNKS au Congrès, Roch Wamytan (indépendantiste) a estimé que cette enquête "sous-estimait" le vote pour l'indépendance et que les "simulations" réalisées par le FLNKS "ne donnaient pas" ce rapport de force.  Philippe Dunoyer, député Calédonie Ensemble (droite modérée), a pour sa part déclaré que "ce sondage confirme une tendance que l'on sait déjà, il n'y a pas de surprise fondamentale".

Les différents partis politiques calédoniens ont lancé ces jours-ci leurs campagnes en vue du référendum. Affaire à suivre donc.

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